Les Deuils Infantiles

                               Effroi, indifférence, hantise

 
 

Freud en vieux sorcier!LES DEUILS INFANTILES Effroi, indifférence, hantise
Eric Auriacombe
Psychologiques
PSYCHANALYSE, PSYCHIATRIE, PSYCHOLOGIE

www.editions-harmattan.fr

Les deuils de la petite enfance, avant l'acquisition du langage, peuvent entraîner des lacunes " psychiques ". Celles-ci sont liées aux mécanismes défensifs mis en place pour éviter l'impact traumatique dû à l'impossibilité de la traduction psychique de ces deuils. L'auteur s'appuie sur une lecture attentive de Freud, puis intègre l'ensemble de ces expériences de deuils dans le cadre d'une forme primaire de la relation d'altérité : le complexe de l'être humain proche, pouvant se réactualiser dans des phénomènes de "hantise".

ISBN : 2-7475-0379-8 • 2001 • 258 pages

                         

 "Que me veut celui qui meurt ?"Message énigmatique s'il en est quand c'est le jeune enfant qui en est le réceptionnaire. Comment traduire, interpréter, la violence infligée par l'être proche qui vient de mourir ? Quelle analyse ne croise-t-elle pas en chemin le couple de l'enfant et de la mort ? 

Tout l'intérêt de la réflexion d'Eric Auriacombe est de verser au compte de l'infantile, du sexuel infantile, ce que l'on ne serait que trop porté à tenir dans les limites de la réalité de la perte et du deuil. Douleur, effroi, indifférence, déni… il n'y a pas de réponse univoque et la psyché infantile explore bien des voies. Retenons cependant l'indifférence. Entre les débordements de l'amour et de la haine, elle n'avait jusqu'à présent que trop peu retenu l'attention. Cet ouvrage lui fait toute sa place. Indifférence qui porte la marque du geste de retrait du monde, en quoi consiste l'isolement narcissique. Ou encore l'indifférence comme "cas spécial" de l'aversion et de la haine, selon le mot de Freud. Mais aussi l'indifférence comme traitement d'une réalité infantile dont l'excès est réduit à rien. A la présence de rien.

Professeur Jacques André, psychanalyste, université Denis-Diderot, ParisVII.

Résumé : Eric Auriacombe, dans son livre « Les deuils infantiles », paru récemment chez L’Harmattan, s’appuie sur le plan méthodologique et épistémologique sur la mise en évidence d’une véritable « clinique de la théorie freudienne ». Il montre comment Freud ayant lui- même subit un deuil précoce reproduit dans son processus de théorisation les mécanismes à l’œuvre dans l’appareil psychique des sujets endeuillés.

Si le deuil de son père a contribué à la découverte du fonctionnement des rêves, le non-deuil ou deuil précoce de son petit frère Julius est resté énigmatique, présentifiant l’énigme du rapport à l’autre, non seulement dans le rapport de Freud à une mère déprimée, mais aussi en lien avec le message énigmatique provenant du mort.

Eric Auriacombe associe l’étude du deuil à celle de la douleur et de l’effroi. Il met en évidence l’abandon par Freud de ces propres théorisations concernant l’ « expérience de douleur », et l’ « expérience d’effroi d’origine externe », ombre théorique d’un mécanisme de défense les concernant, l’évitement (ou détournement) du souvenir de la douleur et de l’effroi, en remarquant que l’évitement théorique reproduit le mouvement psychique consécutif à l’expérience d’effroi et spécialement en cause dans la problématique de deuils précoces.

Il considère que cette expérience vécue très précocement, entraîne chez le sujet des « lacunes » psychiques, liées aux mécanismes défensifs mis en place pour éviter son impact traumatique, en rapport avec l’impossibilité de traduction psychique qu’elle comporte : Effroi, évitement et détournement du souvenir, enkystement de ce même souvenir (et non refoulement, qui comporterait une promesse de réouverture).

La deuxième partie du travail se distribue selon une méthodologie d’écriture qui fait démonstration. Eric Auriacombe reprend l’étude approfondie d’un certain nombre de concepts psychanalytiques qui accompagnent la réflexion autour du deuil, et dessine de cette manière les bords d’une lacune conceptuelle concernant les modalités très primitives du fonctionnement psychique devant la douleur, la perte et le deuil. Sont discutés les théories de Mélanie Klein, Anna Freud et Hélène Deutsch sur la réactivation de la position dépressive lors de la perte d’un être cher et sur le fait que l’enfant vivant un deuil n’a pas toujours atteint le stade de constance de l’objet, ce qui en fait un deuil compliqué car intervenant en période de structuration. A partir de là, la recherche propose des pistes théorico-cliniques sur l’énigmaticité résultant d’une perte trop précoce (le message reçu de l’autre par l’enfant en détresse ne s’inscrivant pas en trace mémorielle structurante).

Ainsi, le travail débouche sur une psychopathologie clinique du « détournement du souvenir » : effroi (douleur psychique, douleur physique, présence et absence, principe de déplaisir), ambivalence, indifférence, déni, scotome, rejet/forclusion, clivage du moi, hallucination seront ainsi retravaillés.

Eric Auriacombe propose alors d’intégrer l’ensemble de ces expériences originaires dans le cadre du « complexe de l’être proche » (Nebenmensch) comme forme primaire de la relation d’altérité originaire en reprenant à cet égard la question de l’ambivalence, de l’indifférence et la problématique du neutre (« neuter », ni l’un, ni l’autre).

Le deuil précoce est ainsi un travail de détournement du souvenir et non comme dans les autres formes de deuil, un travail de remémoration en détail. La perte précoce devient ainsi un « trauma » en négatif, sans mémoire. Comme le dit Piéra Aulagnier : « Là où il y avait une chose, apparaît un trou noir. »

Mais, cet évitement du souvenir est aussi évitement radical de l’altérité, marquée comme le dit Blanchot de l’exigence prédialectique du Même à l’Autre, du neutre, dans un relation « des-inter-essée ».

C’est à travers des effets de retour ou plutôt de hantise que la question de l’absence peut alors être abordée, car à partir de ce vide attractif issu par le « trou de mémoire » provoqué par l’évitement, se manifeste finalement la hantise de l’être humain proche.

Et Eric Auriacombe de conclure, que dans la problématique des deuils précoces, « se réactualisent alors, la « proximité à l’autre » dans son caractère démoniaque, l’ « Exposition à l’autre », dans la passivité, dans l’effraction de son message, et la négativation des éléments représentatifs s’y rapportant, dans leur énigmaticité originaire et fondamentale.

Jean Paul C.

 

 




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